Les croyances, cette saloperie
Elle est rongée. Bouffée de l’intérieur.
Ça se lit dans ses gestes, dans ses silences, dans la manière qu’elle a de respirer trop fort, trop vite.
Elle trépigne.
Elle veut autre chose.
Elle veut traverser.
Ne plus attendre.
Parce que l’attente, c’est la torture.
Chaque seconde passée à espérer, c’est une plaie qui s’ouvre un peu plus.
Elle a tout essayé.
Les livres, les stages, les coachs, les séminaires, les méthodes miracles.
Elle y a cru.
À chaque fois.
Parce qu’à chaque fois, on lui a promis la rive d’en face.
La lumière.
La liberté.
La paix.
Mais inlassablement, elle coule au milieu de la traversée.
Toujours rejetée sur le même rivage.
Le sien.
Celui du début.
Celui du manque.
La force d’y croire encore
Et pourtant, elle se relève.
Elle ne se décourage pas.
Elle est tenace.
Elle est courageuse.
Chaque matin, elle repart.
Encore.
Toujours.
Parce qu’elle se dit que si d’autres y arrivent, elle aussi, forcément, finira par y arriver.
Mais ce qu’elle ne voit pas, c’est le piège.
Watson le sait.
Il le murmurerait, doucement, sans juger :
“Tu cherches, oui. Mais pendant que tu cherches, tu t’épuises. Tu oublies. Tu oublies de vivre.”
Elle ne veut pas l’entendre.
Pas maintenant.
Ces promesses sont trop belles.
Elles parlent d’un monde sans douleur, sans peur, sans doute.
Et ça, elle en rêve depuis trop longtemps.
L’autre rive
Elle visualise.
Toujours.
Une vie nouvelle, plus fluide, plus douce, plus claire.
Un soi réinventé.
Un soi réparé.
Elle imagine le moment où tout se débloquera.
Ce matin-là où elle se lèvera légère, sans cette boule dans la poitrine.
Où elle saura.
Où enfin, elle sera de “l’autre côté”.
Mais l’autre côté n’existe pas.
Pas comme elle le pense.
Ce n’est pas un lieu, c’est un état.
Et cet état, elle le cherche si fort qu’elle passe à côté de lui, chaque jour, sans le voir.
Watson lui dirait :
“Tu confonds la quête et la fuite. Tu veux te reconstruire sans traverser les ruines. Mais c’est dans les ruines qu’on trouve les fondations.”
Les croyances, ces chaînes invisibles
Elle a foi.
Une foi maladroite, naïve, mais sincère.
Elle croit qu’en se chargeant de toutes ces méthodes, elle finira par s’alléger.
Mais à force d’empiler les promesses, elle s’alourdit.
Chaque croyance devient un poids.
Une nouvelle pierre dans son sac.
Les croyances, cette saloperie.
Elles s’incrustent, comme des parasites, dans chaque pensée.
Elles chuchotent : “tu n’es pas encore prête”, “tu dois guérir avant d’avancer”, “tu n’as pas encore compris”.
Elles font croire que le problème, c’est toi.
Alors que non.
Le problème, c’est la croyance elle-même.
Le lit de ses tourments
Elle se bat contre elle-même.
Contre ses émotions, contre sa fatigue, contre son impatience.
Elle veut ne plus souffrir.
Mais c’est précisément ce refus de la souffrance qui la condamne à y rester.
Watson le voit.
Il se tait souvent, parce qu’il sait que certaines vérités ne se disent pas, elles se découvrent.
Mais il pense :
“Elle veut traverser le fleuve sans se mouiller. Elle veut la renaissance sans la mort. Mais la vie ne fonctionne pas comme ça.”
Le prix à payer
Alors elle continue.
Encore un stage.
Encore une méthode.
Encore une promesse d’un lendemain plus lumineux.
Et pendant qu’elle avance, elle dépense.
Son argent.
Son énergie.
Ses nuits.
Ses espoirs.
Ce qu’elle ne voit pas, c’est que chaque pas qu’elle fait la tient encore dans la boucle.
Parce qu’elle agit depuis la peur.
Pas depuis la foi.
Depuis le manque.
Pas depuis la vie.
Et tout est encore là.
Le passé, les blessures, les doutes.
Rien n’a disparu.
Elle le sait.
Elle le sent.
Elle le nie.
La vraie victoire
Le déni n’est pas une victoire.
C’est une fuite élégante.
Mais au fond, elle le prouve chaque jour : elle a tout ce qu’il faut pour triompher.
La persévérance.
Le courage.
La force.
Watson, s’il parlait, lui dirait ça :
“Tu crois devoir devenir quelqu’un d’autre pour être libre. Mais la liberté, c’est de cesser d’essayer.”
Elle n’a pas besoin d’une autre rive.
Elle a besoin de revenir sur la sienne.
De planter là ses racines, de regarder le sol, de respirer.
Parce que tout ce qu’elle cherche ailleurs est déjà en elle.
Mais tant qu’elle continuera à vouloir s’en sauver, elle s’y perdra.
Et toi ?
Combien de fois as-tu cherché la rive d’en face ?
Combien de fois as-tu cru qu’il te manquait quelque chose pour être complet ?
Combien de fois t’es-tu épuisé à fuir ce qui, justement, te rend vivant ?
Peut-être qu’il est temps d’arrêter de traverser.
De rester là, les pieds dans l’eau, et de sentir que tu es déjà arrivé.
Parce qu’au fond, la seule rive à atteindre, c’est toi.
